Depuis sa création, en 1970, la Solitaire du Figaro a toujours offert des scénarii parmi lesquels les plus improbables. A coup sûr, celui de la deuxième étape de cette 54e édition restera l’un des plus hallucinants de l’histoire de la course, avec à la fois un nombre spectaculaire de retournements de situation et des écarts monstrueux, un coup dans un sens, un coup dans l’autre. Pour preuve, le vainqueur, Basile Bourgnon, a compté plus de trente milles de retard à l’issue de la première nuit avant de s’imposer hier soir avec plus de 14 heures d’avance sur la moitié de la flotte. Pour ce qui la concerne, Élodie Bonafous, la skipper de Quéguiner – La Vie en Rose, est parvenue à limiter la casse en terminant en 12e position avec un retard de 4h24 sur le leader, ce qui l’installe à la 11e place au classement général provisoire avec grosso-modo le même espacement. La bonne nouvelle, c’est que contrairement à bon nombre de ses adversaires, son objectif de finir sur le podium reste atteignable, même si, pour cela, il va falloir se montrer solide sur la dernière manche.
Élodie Bonafous : « L’objectif initial reste atteignable »
« Ça a été une étape complètement folle. Je suis stoïque. Je ne sais pas quoi en penser. J’ai l’impression d’être lobotomisée », commente Élodie Bonafous, hallucinée par le scénario incroyable de cette deuxième étape entre Kinsale et la baie de Morlaix via le phare de Chicken Rock, au sud de l’île de Man. « La première chose que j’ai faite ce matin en me réveillant, c’est de regarder la cartographie. J’ai trouvé ça horrible de voir encore autant de concurrents en mer, coincés par la pétole et le courant, à quelques milles seulement de l’arrivée, parmi lesquels certains favoris comme Alexis Loison ou Guillaume Pirouelle », a ajouté la navigatrice qui relativise ainsi sa performance. « Hier soir, j’étais tellement épuisée psychiquement que j’étais avant tout contente d’être arrivée. D’être sortie de l’enfer dans lequel on était. Ce matin, je suis évidemment dégoutée de ma place et surtout de mon retard sur les premiers, mais je me dis aussi que ça aurait pu vraiment être pire. De ce fait, je n’arrive plus trop à savoir ce que je ressens réellement », détaille la skipper de Quéguiner – La Vie en Rose qui n’a pas trouvé dure cette étape physiquement mais mentalement.
« Une étape hyper dure mentalement »
« Il y a eu des retournements de situation tout du long. Je n’avais encore jamais vu une étape avec autant de jeu et d’opportunités météo, ni même avec une situation générale aussi peu fiable. C’était impossible de savoir ce qui allait se passer et, par conséquent, d’anticiper quoi que ce soit. C’était vraiment une manche costaude. Une manche hyper dure ! », ajoute la Finistérienne qui, malgré le contexte, est constamment restée concentrée et déterminée. « J’ai globalement le sentiment d’avoir bien navigué. J’ai raté le premier coup stratégique, au sud de l’Irlande, mais ensuite j’ai commis peu d’erreurs et j’ai été rapide. De plus, j’ai toujours considéré que tout était jouable et je suis restée à fond de chez à fond jusqu’au bout, en prenant parfois de petits risques pour aller chercher ce qu’il y avait à aller chercher », relate Élodie. De fait, partie au large lors de la première nuit, ce qui ne s’est pas avéré payant, elle est ensuite parvenue à revenir aux avant-postes lors du passage du DST Smalls, au large de la pointe Saint-David’s, au Pays de Galles, en faisant l’intérieur, avant de bien négocier Land’s End puis d’entamer les derniers 100 milles positionnée dans le Top 5.
Un virement en Manche qui coûte un peu cher
« En milieu de Manche, j’ai fait un virement de bord qui m’a tuée. Je me suis clairement tiré une balle dans le pied à ce moment de la course. Les choses ne sont pas passées comme je le pensais. Est-ce que j’ai mal analysé les infos que j’avais ou n’étaient-elles pas bonnes ? Est-ce que j’ai pris trop de risques ? Ce qui est sûr, en tous les cas, c’est quand une heure, j’ai pris six milles sur le groupe de Gaston Morvan et Victor Le Pape. J’ai réussi à les raccrocher un peu à la fin en me faufilant à travers les mailles du filet mais je reste déçue. A ce stade, le podium n’est pas inaccessible mais un peu compliqué quand même », indique la skipper qui sait toutefois que le schéma de la troisième et ultime étape de cette édition – un aller et retour dans le golfe de Gascogne – promet, lui aussi, d’ouvrir le jeu en grand et, par conséquent, d’être propice à des écarts significatifs. « Le classement est maintenant un peu cloisonné. On sait contre qui on va jouer en termes de temps. Je ne lâche rien ! », assure Élodie Bonafous qui va faire en sorte de recharger au mieux ses batterie d’ici à dimanche.