Associés pour la première fois en configuration de course, Yann Eliès et Charlie Dalin ont brillamment réussi leur test, en terminant deuxième de la Rolex Fastnet Race chez les IMOCA. Parti de Cowes dimanche dernier, Quéguiner- Leucémie Espoir a franchi la ligne d’arrivée à 13h54 (heure française), cet après-midi, dans le sillage de PRB, vainqueur chez les 60 pieds. Résolument dans le coup, malgré un bateau moins récent et une météo capricieuse, l’équipage peut se féliciter d’avoir bouclé les 603 milles du parcours devant les monocoques de la nouvelle génération. Mais sa plus grande satisfaction est d’avoir tenu tête aux deux grands favoris que sont PRB et SMA, même si ce dernier a abandonné pour non respect des instructions de course. Interviewés à leur retour à terre, avec un bon hamburger sous le nez, Yann et Charlie nous ont livré leurs impressions sur cette édition 2015. Et à l’exception d’un déficit de vitesse qui les a pénalisés, ils dressent un bilan positif, à un peu plus de deux mois du départ de la Transat Jacques Vabre, le 25 octobre prochain.
Fastnet Race: Une première course encourageante pour Yann Eliès et Charlie Dalin
Cette course faisait office de test grandeur nature pour votre binôme comme pour la performance du bateau. Quel bilan en tirez vous ?
Yann Eliès : «C’est plutôt positif, car nous avons joué tout le temps avec les deux favoris de la Transat Jacques Vabre pour la gagne, et nous avons été capables de rivaliser avec eux. Maintenant cette deuxième place est un peu galvaudée, car SMA s’est trompé sur une marque de parcours et a abandonné après les Iles Scilly. Or Michel Desjoyeaux ne commettra pas toujours des erreurs comme celle-là. Nous avons eu de gros trous en terme de vitesse, et il va falloir résoudre ce problème. Nous avons réussi à bien nous en tirer avec Charlie, car nous sommes de bons figaristes, mais au large, nous aurons plus de mal à masquer ces différences de performance.»
Charlie Dalin : «Le bilan est positif car nous étions toujours dans le bon groupe. Nous avons fait quelques bons coups et ça s’est très bien passé entre nous. Nous avons bien géré le rythme pendant la course. Mais en effet, nous devons progresser en terme de vitesse, car comme le dit Yann, nous souffrons d’un déficit important à certaines allures. Mais il nous reste encore une marge de progression. Nous sommes toujours dans la découverte du bateau, et nous allons forcément nous améliorer. C’est une bonne première.»
Vous meniez la danse avec SMA à l’approche du phare du Fastnet, mais finalement PRB a repris l’avantage la nuit suivante. Comment ça s’est joué ?
Yann Eliès : «PRB nous a doublé en vitesse pure, ce qui me fâche un peu, car je pense que nous aurions pu tenir en connaissant un peu mieux le bateau. Une partie de nous ne maîtrise pas bien le support. Nous tâtonnons, nous mettons du temps à trouver la bonne configuration et nous avançons moins bien. Il faut que nous arrivions à être plus rigoureux, à bien débriefer ce que nous avons fait sur cette course, pour être capable de trouver les bons angles, la bonne vitesse, les bonnes configurations d’ici la Transat Jacques Vabre.»
Charlie Dalin : «Effectivement, ça s’est joué sur de la vitesse pure, et c’est d’autant plus rageant, que nous avions réussi à bien nous débrouiller dans la molle. Il fallait attraper de petites risées pour progresser dans des conditions très aléatoires, trouver les bons réglages, et tenter de récupérer le moindre souffle d’air dans zéro noeud de vent. C’était terrible pour les nerfs, mais nous avions réussi à nous échapper avec SMA à l’approche du Fastnet. Et puis finalement PRB a pris l’avantage la nuit dernière, en mer d’Irlande. »
Cette course s’est disputée dans un vent quasi inexistant sur une bonne partie du parcours. Il fallait avoir les nerfs solides ?
Yann Eliès : «C’était une course vraiment atypique. Nous avons eu une première partie idyllique jusqu’à la pointe anglaise. Ensuite, des conditions horribles, sans vent, comme nous en avons eu cette année sur la Solitaire du Figaro. Et je crois que nous sommes un peu en surdose de pétole avec Charlie (rire) ! Nous avons un peu pété les plombs, surtout moi ! Puis nous avons eu droit à un retour dans la baston. C’était engagé. Il a fallu tirer sur le bateau. En fait, nous avons eu un peu de tout. Du près, du portant, du vent, de la molle …C’était intéressant.»
Charlie Dalin : «C’est vrai qu’il y avait de quoi devenir fou par moments, mais j’ai essayé de rester zen, et de faire abstraction de cette situation désespérante. J’ai fait en sorte de ne pas trop y penser, en me concentrant sur les petits réglages pour faire avancer le bateau. Je trouve qu’il vaut mieux occulter dans ces cas-là, car c’est vraiment stressant et pas drôle du tout.»
Vous terminez devant les IMOCA nouvelle génération, au contact des bateaux les plus performants de la flotte. Cela conforte vos ambitions pour la Transat Jacques Vabre ?
Yann Eliès : «C’est difficile de juger pour l’instant, car nous ne savons pas si les nouveaux bateaux ont eu des problèmes techniques. Je pense qu’Armel le Cleac’h est dans le coup, car il a montré de vraies capacités à aller plus vite à certains moments. Safran lui, paye un peu le manque d’expérience sur ce type de support. Mais lorsque ces machines seront apprivoisées, elles seront dangereuses. Surtout dans le vent fort, aux allures où la puissance fait parler la poudre. Il ne faut pas les enterrer trop vite. En tout cas, nous sommes capables de rivaliser, c’est vrai. Nous pouvons viser un podium, c’est l’objectif affiché sur la Transat et il se confirme ici.»
Vous venez de réaliser votre première course en double avec Charlie. Quel bilan tirez-vous de cette association ?
Yann Eliès : «Nous arrivons à bien nous partager les rôles, et je trouve que Charlie est un marin plein de qualités. Il est combatif, et quand il prend son quart, il est au taquet pour faire avancer le bateau le mieux possible. Il ne lâche rien. Sur les routages, il a une analyse intéressante et pertinente, et moi je prends plus en charge les réglages, le choix des voiles, les manoeuvres et l’entretien au quotidien. Je pense que nous devrions bien fonctionner ensemble sur la Jacques Vabre, où la répartition sera sensiblement la même.»
Charlie Dalin : «Comme le dit Yann tout fonctionne bien. La communication est bonne et la répartition des tâches se fait assez naturellement. Je m’occupe beaucoup de la partie électronique et de tout cet aspect là, car Yann a plus d’expérience en IMOCA, et moi, je maîtrise bien les logiciels de navigation. Nous sommes complémentaires. J’apporte un point de vue cartésien qui se marie bien à l’expérience et au feeling de Yann.»
Quel est votre programme sur les huit semaines qu’il reste avant le convoyage au Havre ?
Yann Eliès : «Nous, il nous reste moins de temps que cela, car Charlie va partir sur la Generali Solo en septembre. Nous n’avons quasiment plus qu’un mois pour nous préparer. Il va falloir en profiter un max, bien débriefer, pour progresser efficacement sur une courte durée.»
Charlie Dalin : «Je vais sur la Generali Solo pour défendre mon titre de Champion de France de Course au large en Solitaire. Je sais que ça va être intensif, mais c’est chouette, car je suis sur des projets super intéressants. Le tout c’est de savoir bien gérer son planning.»