«Je n’ai pas été bon !» Le visage déçu, et les traits marqués, c’est en lâchant ces mots que Yann Eliès a rejoint les pontons de Dieppe cette nuit, après avoir franchi la ligne d’arrivée de la quatrième et dernière étape de la Solitaire du Figaro Eric Bompard Cachemire à 3h26, en 17ème position. Privé de la première place, pour avoir boucler cette derrière manche avec une heure et douze minutes de retard sur Xavier Macaire, le skipper de Groupe Quéguiner - Leucémie Espoir laisse échapper la victoire finale pour 15 minutes et 31 secondes d’écart avec le skipper Hérault au classement général provisoire. A moins que le sort n’en décide autrement. Car ce dernier est sous la menace d’une pénalité pour avoir traversé une zone interdite à une vingtaine de milles de l’arrivée. Une réclamation devrait être déposée devant le jury, qui devra rendre sa décision, pour mettre un nom définitif sur le vainqueur de cette 46ème édition. En attendant de connaitre ce verdict, Yann s’est confié sur cette dernière étape.
Deuxième, à moins que …
Quel est votre sentiment sur cette dernière étape ?
Je n’ai pas été bon, que vous voulez que je vous dise. Je n’ai pas fait grand chose et j’ai manqué de réussite dans les phases de transitons où habituellement, je suis plutôt bon. Je n’ai pas été clairvoyant, je n’ai pas su anticiper ce qui allait se passer. Je ne sais pas vraiment pourquoi. Il y a des fois où je n’arrive pas à mettre les choses dans l’ordre.
Comment avez vous vécu la fin de la course, quand vous avez vu que plus ça allait et plus Xavier creusait l’écart ?
Avec du recul, je me dis que si j’étais resté à terre avec les petits copains, c’était bon. Mais quand j’ai vu que le vent tombait à Fécamp, je me suis dit qu’il y aurait une risée jusqu’à la pointe et qu’après ce serait terminé. Donc j’ai préféré essayer de partir au large, pour progresser, plutôt que de risquer de m’enterrer à terre. Ca n’était pas la bonne solution. Il fallait y aller à fond, et avec Charlie, nous avons raté le train. Nous n’avons pas été clairvoyants, et nous en avons même remis une couche bêtement, alors qu’il y avait moyen de sauver ce quart d’heure de retard. Nous avons manqué de lucidité.
Est-ce que vous avez passé votre temps à calculer les écarts ?
Oui, je chronométrais sans arrêt. Je regardais où il était, et je calculais le nombre de milles qui nous séparait. Des fois, ça grossissait, des fois, ça diminuait, mais je pensais qu’en faisant de l’Est, ça creuserait plus que ça. Ca n’a pas été le cas. Je ne sens pas les coups à Dieppe. C’était pareil en 2009, j’avais raté de peu la victoire sur Nicolas Lunven, à cause d’un petit coup comme ça.
Est-ce que vous n’avez pas trop cherché à contrôler Charlie, au risque d’oublier les autres adversaires ?
Non, je les avais dans le viseur. Je les ai vu démarrer à l’AIS, mais jusqu’à ce que Vincent Biarnes passe la pointe, ça n’était pas gagné. Quand je l’ai vu s’arrêter, je me suis dit qu’il allait rester posé là pendant six heures. Mais en fait c’est reparti, et le temps de revenir à terre, ça a été très compliqué. Sur la fin, les premiers ont buté contre le vent et contre le courant, et nous sommes bien revenus, donc il y avait vraiment moyen de sauver ce quart d’heure, à conditions de ne pas faire cette erreur.
Vous êtes au courant de ce qu’il se passe avec Xavier ?
Oui, il est passé dans une zone interdite, donc il devrait prendre une pénalité. Mais ce sera au jury de décider.
Cela ne vous dérangerait pas de gagner sur tapis vert ?
S’il a commis une erreur et qu’il prend une pénalité, je gagnerai cette Solitaire, ça ne me dérangera pas. Sportivement, je reconnais qu’il a été meilleur que moi. Mais il y a des règles à respecter dans le droit maritime, que ce soit pour la jauge ou autre, et s’il doit être pénalisé, il le sera. Il avait le choix de passer à l’extérieur, car cette zone est signalée en gros sur la carte. C’est marqué :« zone interdite à la navigation ». Mais c’est le jury qui décidera.
Comment expliquez-vous que Xavier se soit échappé de la sorte ?
Il y a eu des trucs un peu bizarres sur le début de cette étape, des veines de vent que Xavier a bien géré. Au départ, je pensais que c’était un petit coup de bol, et que ça allait changer, mais il a navigué de façon impériale tout au long de cette étape. Il n’a raté aucun coup. Il a navigué comme un chef, et seul Adrien Hardy a réussi à le reprendre sur un coup de poker. Il a navigué de façon magnifique et mérite de gagner cette étape, il n’y aucun doute là-dessus .
Il va falloir revenir l’année prochaine?
Je ne crois pas. Je pense qu’il va falloir que je fasse une petite pause, que je tourne la page quelques mois, voire quelques années, avant de revenir avec une belle envie.